Promotion de l'image de la chimie
Dès 1991, Paul Cadiot et Liliane Vo-Quang ont mis l’accent sur l’idée erronée d’incompatibilité entre nature et chimie.
La chimie : mal aimée ou méconnue ?
Il est assez banal de dire que le Français, tout particulièrement, n'apprécie pas la chimie et manifeste à l'endroit de son industrie méfiance et critiques. Cet état de fait résulte en grande partie d'une méconnaissance profonde de cette science et de ce que lui apporte son industrie. Mais il s'agit aussi d'un problème de société aggravé par un manque de dialogue dans le passé entre l'industrie chimique et le citoyen.
Et pourtant, dès 1951, l'American Chemical Society, lors de son World Chemical Conclave, choisissait comme devise : « Chemistry key to better living ». Cette même société savante a organisé en 1989, dans l'ensemble des États- Unis, une semaine nationale de la chimie, en affichant la raison suivante « Dans notre démocratie où l'opinion publique est toute puissante, l'approbation du public est indispensable ».
En France, en 1990, la Société Française de Chimie a encore rappelé que « la chimie intervient partout dans notre vie ». Et, de fait, les domaines dans lesquels opère la chimie sont légion : ressources énergétiques, lutte contre la faim, vêtements, logement, santé, hygiène et beauté, transports, communication,
culture, sports et loisirs, besoins collectifs, protection de l'environnement, etc. Pourquoi alors une telle attitude de l'opinion ? Les motifs de la désaffection du public sont multiples et d'origines très diverses. Ils tiennent sans doute moins à la nature de la chimie qu'à des causes qui lui sont extérieures. Cette situation ne pourra s'améliorer que par un grand effort d'information et d'éducation.
Une mauvaise image traditionnelle de la chimie ?
L'idée que la nature est bienfaisante et que ses produits sont bons est très ancienne et fortement enracinée. La réalité est beaucoup plus complexe, de nombreux exemples montrent qu'elle peut être dangereuse ou tout au moins inhospitalière pour l'homme.
En revanche, la conception selon laquelle le progrès et les produits de synthèse sont forcément pernicieux est généralement admise, au moins implicitement.
L'adjectif « chimique » a une connotation négative ; la publicité utilise largement cette tendance et propose des produits naturels, biologiques, vrais, purs, sans composants chimiques. Le consommateur, par contre, admet très bien ceux de la pharmacie (médicaments), des cosmétiques (crèmes de beauté), de la communication (bandes magnétiques*) qui sont bons et ne sont pas, ou si peu, chimiques !!! Il est vrai qu'il tient à sa société de consommation et de loisirs ainsi qu'aux avantages qu'elle lui procure. Est-il complètement dupe ?
Enfin, l'idée que la chimie porte atteinte à la nature s'est récemment renforcée (trou d'ozone, chlorofluorocarbures, désertification par effet de serre, pluies acides, pollution de l'eau par les nitrates et les phosphates, etc.).
L'industrie chimique fabrique et utilise de grandes quantités de produits, souvent dangereux. Elle a pris un essor prodigieux depuis la dernière guerre mondiale et marqué profondément notre siècle ; l'avènement des polymères a considérablement changé nos habitudes.
Elle a été polluante, mais ses méthodes se sont affinées, la notion de qualité s'y est imposée, et la sécurité s'y est considérablement développée. L'esprit de ses dirigeants également a beaucoup changé ; à la notion de productivité avant tout se sont ajoutés deux impératifs aussi importants : la sécurité et la qualité de l'environnement. On a assisté en quelques années à une diminution spectaculaire du nombre des accidents du travail, des maladies professionnelles, de l'importance des rejets et des déchets.
L'industrie chimique est actuellement devenue l'une des plus sûres. Elle fait cependant encore peur, comme le montre une étude d'opinion publique qui a été faite en Grande-Bretagne. Des accidents graves (Seveso, Bhopal) restent des cas isolés qui n'ont pas valeur d'exemple général.
On a estimé que les accidents sont dus pour 42 % à l'erreur humaine. La façon d'y remédier réside donc dans un accroissement de la motivation et dans une amélioration continue de la formation. Le développement de l'écologie qui a marqué les dernières décennies est utile.
Pour atteindre l'efficacité, cette discipline doit aussi faire appel à des raisonnements scientifiques. Elle doit le faire d'autant plus que la chimie constitue le meilleur outil de traitement de l'environnement.
Un système éducatif peu favorable à la chimie
En France, le système éducatif est basé sur la capacité à l'abstraction et privilégie la formation par les mathématiques comme système pour la sélection, sans apporter l'indispensable contrepoids expérimental.
Il faut souligner l'importance conceptuelle de la chimie et son caractère largement expérimental et appliqué. La forme de l'enseignement français, le contenu des programmes, les sujets des examens et concours sont peu favorables à une motivation pour la chimie.
La didactique et l'enseignement de la chimie
L'enseignant du supérieur est probablement le seul professionnel qui ne bénéficie pas d'une formation professionnelle, c’est à dire la formation pédagogique.
Son dévouement et sa compétence technique alliés à la forte motivation du petit groupe d'étudiants dont il était traditionnellement chargé lui permettaient de surmonter cet handicap.
L'augmentation rapide du nombre d'étudiants accédant au premier cycle universitaire, associée au développement rapide de la discipline, a créé partout un malaise et parfois des situations de rupture préoccupantes. Des initiatives personnelles, des travaux isolés sont apparus. Il est significatif qu'ils aient concerné le plus souvent la méthodologie de l'enseignement de la chimie au premier cycle des universités. Une forte demande d'information, de formation, de soutien matériel, financier, moral même, est apparue. Il existait bien en anglais une riche littérature, mais elle ne pouvait répondre aux besoins spécifiques dus aux particularités de la situation de l'enseignement de la chimie en France : niveau des étudiants, formation des enseignants, originalité de notre système éducatif. Des initiatives individuelles, des groupes divers tentent d'apporter leurs réponses.
* Maintenant on dirait smart phone, n’oublions pas que ce texte a plus de 30 ans
Note : Ce texte est construit à partir d’extraits d’un article paru en 1991
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