Surtout, conservez bien la patate ...
Récemment, j’ai cuisiné des pommes de terre que j’avais quelque peu oubliées dans leur stockage et dont certaines avaient décidé de germer.
Etait-ce raisonnable ? Pouvais-je sans risque jouer du couteau avec ces patates ?
Le problème de la consommation de pommes de terre germées vient tout simplement d’une molécule (on l’aurait deviné) : la solanine (C45H73NO15), et plus spécifiquement sa forme alpha (α-solanine).
Les pommes de terre en contiennent de petites quantités, principalement dans les fleurs, les germes et l'épiderme des tubercules. La chair en contient beaucoup moins.
La solanine est inoffensive à faible dose pour l'humain mais peut être toxique si on en consomme en excès, provoquant maux de tête et vomissements, sensation de brûlure à la gorge suivis de douleurs abdominales et de diarrhées avec fièvre et pression artérielle faible.
Des atteintes neurologiques plus graves peuvent survenir avec vertiges, tremblements, hallucinations, agitations, etc. Généralement, les symptômes apparaissent de 8 à 12 heures après l’ingestion, mais heureusement, si l'empoisonnement par la solanine peut s'avérer inquiétant, il entraîne rarement la mort.
En général, les pommes de terre ont des teneurs en solanine (ou en ses analogues, les glyco-alcaloïdes) qui n'excèdent pas 200 à 250 mg/kg.
Ces teneurs peuvent augmenter lorsque les tubercules sont exposés à une lumière vive pendant de longues périodes, ou à la suite de blessures subies au moment de la récolte ou lors de manipulations. Cela protègerait ainsi la plante de certains prédateurs puisqu’elle ne serait plus enfouie et protégée dans le sol. Le verdissement des pommes de terre est l’indice d’une exposition trop importante à la lumière et donc potentiellement à une teneur accrue en solanine.
Un entreposage à des températures inférieures à 10 °C peut également favoriser la synthèse de ces alcaloïdes ; il en est de même d’un délai trop long entre les opérations d'épluchage, de tranchage et de cuisson.
Malheureusement, cette cuisson, quelle qu’en soit la technique (four thermique ou micro-ondes, huile, vapeur, eau…), ne modifie pas sensiblement la teneur en solanine car la molécule ne commence à se décomposer qu’à une température de 240 °C.
Il faut donc maintenir une température élevée et un temps de cuisson long pour en abaisser significativement la teneur lors de la préparation des aliments. Tout au plus une cuisson à l’eau peut-elle extraire la substance de la chair du tubercule, et en réduire ainsi la teneur au moment de sa consommation.
Le fait de peler les pommes de terre reste bel et bien la manière la plus sûre de réduire la dose de solanine ingérée, puisque cette substance est surtout présente dans la peau du tubercule et dans les germes.
Si la chair de la pomme de terre ne contient qu’environ 10 à 50 mg/kg de solanine, la peau en contient de 300 à 600 mg/kg ! La corvée de patates trouve dès lors toute sa légitimité !
La dose létale médiane (LD50) est estimée à environ 590 mg/kg (chez le rat), ce qui en fait une substance légèrement plus toxique que la caféine, mais un peu moins toxique que le THC (le tétrahydrocannabinol, substance active du cannabis). Jusque-là rien d’affolant donc !
La masse létale médiane pour un homme de 70 kg serait ainsi de 41 g, en supposant que la LD50 soit égale à celle du rat. Cela nécessiterait l’ingestion de près de 68 kg d’épluchures de pommes de terre des plus avariées. A ce compte-là, on peut dire qu’il faut vraiment les aimer les pommes de terre, et en manger à tous les repas, en quantité.
On comprend que l’ingestion d’une quantité létale de solanine soit peu probable et que ce type d’empoison-nement ne soit pas souvent observé. Nous voilà rassurés. En revanche, certaines indispositions peuvent être provoquées par la consommation de pommes de terre germées et mal épluchées.
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